Pourquoi j'ai décidé de faire une exception
Lorsqu’on écrit un article pour réaliser un rêve personnel, on se doit de l’indiquer aux lecteurs en amont. En particulier si cela permet d’attirer l’attention sur une cause importante.
Quand j’étais petite, dès que j’ai appris à écrire et à dessiner, j’ai créé une petite BD qui raconte l’histoire d’un être vivant que l’on sort de brutalement de son habitat pour lui couper les membres et le rejeter comme un déchet pour le laisser dériver à une mort douloureuse et cruelle. Il s’agissait d’un requin.
Selon Wikipédia, le shark finning (pratique consistant à capturer des requins pour leur couper les ailerons et la nageoire caudale puis à les rejeter mutilés à la mer) est une industrie qui pèse plusieurs centaines de millions de dollars. «Certains chercheurs estiment que, de 1996 à 2000, 26 à 73 millions de requins ont été pêchés annuellement», peut-on lire sur le site.
Un rapport publié en juillet 2013 dans la revue Marine Policy a révélé que quelques 100 millions de requins sont tués par les humains chaque année. Le journal ajoute que le nombre de requins tués pourrait en fait se situer n'importe où entre 63 millions et 273 millions.
Sauver les requins, quelle idée!
Pourquoi donc se soucier de la cause de ces mangeurs d’hommes effrayants et assoiffés de sang? Parce que justement, «l’animal le plus calomnié de la Terre» comme l’appelait Jacques-Yves Cousteau ne mérite pas une telle réputation. C’est un être fascinant dont la complexité est sous-estimée et bradée sur l’autel de la peur infondée.
Les requins sont apparus sur Terre (ou plutôt dans les mers) il y a plus de 400 millions d’années. Bien avant les dinosaures (!!!) Il existe près de 500 espèces différentes, bien que l’on soit en train d’en décimer une grande partie. Le nombre d'espèces de requins considérées comme menacées est passé de seulement 15 espèces en 1996, à plus de 180 espèces en 2010, dont 30 en voie d'extinction.
Bien qu’il s’agisse d’un poisson, le requin peut également se reproduire en mettant bas en plus de pondre des œufs. Il est doté d’un sixième sens qui lui permet de sentir les ondes électromagnétiques grâce aux ampoules de Lorenzini.
Comme le requin est là depuis toujours, son rôle dans la régulation de l’écosystème marin est primordial. En tant que grand prédateur, il est un maillon indispensable de la chaîne biologique des océans. Si le requin disparaît, c’est l’entier de la vie marine qui en sera chamboulée.
Et si les océans meurent, nous mourrons.
Lâcheté généralisée
Si le requin est aussi détesté à travers le monde, c’est en partie à cause de la série de films Les dents de la mer, de Steven Spielberg. En 2022, j’ai soumis une idée un peu folle à la plupart des associations et organisations de sauvegarde des océans, en vain.
Il s’agissait de porter plainte contre le réalisateur américain pour mise en danger de la vie d’autrui et homicide involontaire. Car bien qu’il ait exprimé des regrets pour les graves conséquences que ses films ont engendré, Steven Spielberg n’a – à ma connaissance – jamais agis concrètement pour les défendre. Il aurait même refusé de participer au film Sharkwater de Rob Stewart diffusé en 2006.
Reçue avec des louanges pour l’audace et l’originalité témoignées, mon idée n’a pas été suivie d’actions. Les requins n’ayant pas d’identité propre sur le plan juridique, il serait compliqué d’intenter une telle action. De plus, il y aurait prescription.
Héros des temps modernes
Le film Sharkwater, qui a profondément marqué ma jeunesse et que je conseille à tout le monde de regarder, a été réalisé en collaboration avec le capitaine Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd. C’est donc en 2006 que j’ai entendu parler pour la première fois de ce héros des temps modernes, qui m’a épatée par son courage et sa détermination à s’opposer physiquement aux braconniers des fonds marins.
Par son refus de tergiverser avec les criminels et surtout par son courage et son mépris de la bureaucratie qui coupe tout élan.
Il y a quelques jours, l’opportunité d’interviewer Paul Watson s’est présentée à moi et bien que je sache que ce sujet n’allait pas forcément intéresser la majorité de mes lecteurs, j’ai décidé de la saisir.
Pourtant, la tendance des journalistes à écrire pour eux-mêmes plutôt que pour leur lectorat m’horripile. C’est un travers dans lequel je m’étais promise de ne pas tomber en créant L’Impertinent, qui remet l’information au service du public.
Pour une fois, j’ai décidé de faire une exception. Parce que je suis convaincue que le message porté par ce pirate d’un nouveau genre a une valeur universelle. Et même si j’ai été bouleversée d’apprendre que Sea Shepherd avait implosé et que j’ai dû mener cette interview comme toute les autres – en tant que journaliste et non en tant que militante – je tenais à expliquer ma décision publiquement à ceux que ça intéressera.
Avec l’espoir naïf que demain, certains seront plus sensibles à la cause des requins. Parce que ceux-ci comptent déjà beaucoup plus d’ennemis que d’amis.
L’interview exclusive de Paul Watson est à retrouver dimanche sur L’Impertinent.
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C’est par ICI!
Merci.
La bande-annonce de Sharkwater: